Pour certains, il s’agissait d’un rendez-vous réservé aux hommes, où il était question de femmes. D’autres, en mal de solidarité, y voyaient le dernier refuge des grands blessés d’une guerre éternelle. Pour tous, d’où qu’ils viennent et quoi qu’ils aient vécu, c’était avant tout le lieu où raconter son histoire. Où la confier sans chercher à convaincre, sans souci de thérapie, sans rien espérer en retour sinon qu’elle fasse écho à celle d’un auditeur anonyme venu, lui, en quête de réponses.
Freud, en son temps, s’interrogeait sur le mystérieux continent noir de la féminité. Quant à moi, je m’interroge sur le mystérieux continent noir de la virilité. A quoi pensent les hommes lorsqu’ils répondent, souvent, qu’ils ne pensent à rien ? A quoi rêvent-ils ? Qu’espèrent-ils ? Un jour un de mes ex, qui visiblement me connaissait assez bien, à la question de savoir quel pouvoir magique je voudrais avoir, avait répondu "lire dans les pensées". Oh que oui, à l’époque surtout les siennes d’ailleurs, et celles des hommes que j’ai connus, surtout un en fait (mais pas le même). Bref. Il était donc évident qu’un roman qui propose, un peu, d’entrer dans la tête des hommes ne pouvait qu’atterrir un jour entre mes mains.
C’est une sorte de société secrète, sans hiérarchie ni rite. Un cercle de parole. Un endroit où les hommes, avec sincérité, viennent raconter leur histoire. Juste par besoin de s’exprimer, de mettre les choses en mots. Une sorte de bureau des pleurs masculin. Parmi eux, trois hommes aussi dissemblables que possible, qui vont pourtant se lier d’amitié : Philippe, Yves et Denis.
Quel bonheur que ce petit roman dont le point de départ, pour le moins original, permet de varier les points de vue et les histoires, même si l’on suit plus attentivement celle des trois personnages principaux, qui sont chacun à sa manière en quête d’identité et de rédemption. C’est tour à tour drôle, tendre voire touchant, cela parle de sexe mais surtout d’amour, et du malaise d’une virilité en perte de repères. Car tous ces hommes sont loin d’être des héros ou des princes charmants. Ils sont souvent lâches, parfois puérils, mais ils sont surtout fragiles et donc attendrissants, dans leur manière de chercher désespérément ce qu’ils ne trouvent pas, ce précaire équilibre qui les rendrait heureux avec celle qui saurait les aimer. Face à l’Éternel Féminin, le Précaire Masculin donc, est le personnage essentiel de ce roman, admirablement bien écrit, qui prend parfois des allures de fable ou de conte.
Ma conclusion ? Les hommes sont des êtres comme nous. Enfin, sauf mes ex, qui devaient venir d’une autre planète…
Homo Erectus
Tonino BENACQUISTA
Gallimard, 2011 (Folio, 2012)
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